Une ligne éthique en toc ?
Des affaires où on licencie ou mute la victime, épargnant un récidiviste, des situations où aucun témoin n’est interrogé, des arrêts de travail à répétition ne débouchant sur aucune action… La ligne éthique Michelin n’est-elle rien d’autre qu’une obligation légale ?
Depuis Janvier 2018 (Loi SAPIN 2), « Chaque entreprise de plus de 50 salariés à l’obligation de mettre en place un dispositif d’alerte professionnelle à disposition de lanceurs d’alerte, interne à leur organisation ». Michelin a donc mis en place une ligne dite éthique dont il a fait une grande publicité.
Une belle avancée sur le papier. Mais les statistiques interpellent. Le bilan du 1er semestre 2024 dans la région EUS donne seulement 14% des dénonciations avérées. 86% des salariés utilisant la ligne éthique ne fourvoieraient donc ? ces salariés Michelin par ailleurs si fiables, si engagés au travail…
Pourtant « cet outil » n’est probablement pas actionné à la légère, car si la personne mise en cause, manager ou collègue, comprend d’où vient le signalement, des représailles sont à craindre. Et effectivement nous avons pu observer que, même dans des cas graves, les salariés Michelin pèsent longtemps le pour et le contre avant d’utiliser cet outil potentiellement dangereux.
Il se pourrait donc que le problème soit ailleurs, si on en juge certains exemples récents. Dernièrement était mis dans la lumière le licenciement d’une victime au motif de «la protéger ». Fin novembre, une salariée, elle aussi victime, a été mutée ; le manager, d’ailleurs multirécidiviste, est resté en place. Mi-novembre, le manager d’une équipe dans laquelle on a compté 5 burn-out en 2 ans, a fait l’objet de plusieurs enquêtes éthiques qui, de son propre aveu, sont « toutes allées jusqu’au bout ». Et pourtant aucune des victimes n’a été interrogée ….
Evidemment, en n’interrogeant que les agresseurs, on en conclue plus souvent que la victime est coupable et que le cas est non avéré….
A contrario, nous avons accompagné des salariés dénoncés à la ligne éthique pour des motifs véniels qui ont été sanctionnés sévèrement. De là à penser que les enquêtes éthiques seraient menées à décharge des managers de haut vol…
La ligne éthique ne semble donc n’être qu’une obligation légale à laquelle l’entreprise répond, probablement utile pour dénoncer des actions clairement menées contre l’entreprise (vols, comportements inadaptés en clientèle…), ou des personnes sans réseau. Mais les salariés ordinaires doivent avoir conscience que les faits, les chiffres, leur promettent une inaction dans
86% des cas au moins. .
Ce type de fonctionnement n’a rien d’étonnant, étant donné le processus de la ligne éthique et sa constitution. Sans indépendance des juges, pas de justice. Pour la justice, la transparence, la crédibilité, l’entreprise doit associer aux enquêtes des représentants des salariés. Comme pour d’autres processus de dialogue paritaire, la réserve, la confidentialité et l’impartialité, qui s’imposent dans ce genre d’affaire, peuvent être tout à fait garanties.
Chris Boyer, élu CSE Clermont